Roger REYNIS (1910-1996)  

       

 

 R.REYNIS

 

Entré en octobre 1924 comme élève de 6e au collège de Revel, Roger Reynis y reste jusqu'en 3e. Pour des raisons familiales, il se dirige alors vers la marqueterie tout en suivant des cours de perfectionnement, assurés par le professeur de dessin du collège et par M.Metgé, sculpteur et Prix de Rome.

 

Le 2 septembre 1939, il est mobilisé au 12e Zouaves et participe aux combats après l'invasion de la France, le 10 mai 1940. Il est fait prisonnier à Poitiers, mais s'évade de la caserne des Dunes dans la nuit du 2 au 3 juillet 1940.

Démobilisé à Montmorillon à la fin juillet, il reprend à Revel son métier d'ébéniste.

 

L'engagement

 

Il s'engage très vite dans la Résistance aux côtés de Maître Sabo chef régional du mouvement « Libération » présent à Revel dès la fin de 1941. Il  s'occupe de la diffusion de ce journal clandestin dans toute la région, et recueillant des renseignements pour le réseau Gallia-Regina, renseignements fort utiles transmis à Londres.

REYNIS

 

L'Histoire de la Résistance en Haute-Garonne (éditions Milan) signale à la page 71 que « l'antenne de Revel (de Libération) reste très active autour du notaire Maître Lucien (en fait, son prénom est Georges) Sabo et de l'ébéniste Roger Reynis ».

 

En mars 1943, il participe à la création du premier maquis de la Montagne Noire commandé par Jacques d'Andurain, dit « René ».

Dans le cadre des Mouvements Unis de la Résistance (MUR), il transporte, installe et assure le fonctionnement de plusieurs postes émetteurs placé des fermes isolées entre Revel et Castelnaudary.

Il participe également aux équipes de parachutages de l'Intelligence Service et du COPA (Centre d'opérations et de parachutages) pour armer, entre autres le Corps Franc de la Montagne Noire dirigé par Mompezat.

 

L'arrestation

 

Arrêté le 23 mars 1944 par la police française, il est enfermé à la prison Saint-Michel de Toulouse avant d'être livré, trois mois plus tard, à la Gestapo qui l'interne au Fort du Hâ, à Bordeaux...

Le 2 juillet 1944, il est déporté, avec plus de 1000 autres résistants, à destination de Dachau par un fameux « train de la mort » qui va longtemps errer, pendant près de 60 jours, à travers le Midi de la France pour atteindre le camp de concentration seulement le 28 août.

C'est l'été le plus chaud de la guerre et le voyage le plus long de l'histoire de la déportation française : le convoi tente de gagner Compiègne, fait demi-tour et il est immobilisé sans cesse par des ponts coupés et des bombardements.

A Sorgues, dans le Vaucluse, les détenus gagnent à pied la rive gauche du Rhône et, après une marche de 17 kilomètres, prennent un autre convoi allemand que des aviateurs alliés bombardent à plusieurs reprises.

 

Heureusement, profitant de ces tragiques circonstances, Roger Reynis va réussir à s'évader de son wagon dans la vallée du Rhône. Il se blesse sérieusement en tombant et il est amputé de sa jambe droite, le 20 août, à l'hôpital de Montélimar, en pleine nuit...

 

CERTIFICAT
 

 

 

Retour à Revel

 

Le 19 septembre, le Comité local de libération apprend son retour à Revel. M. Sudre écrit que ce jour-là, il a « eu la joie de le revoir vivant dans la cour de la Mairie. Spontanément, sans demander l'avis de personne, je lui proposai de venir travailler au secrétariat de la Mairie et il y est resté aussi longtemps que nécessaire jusqu'au jour (en 1947) où il a pu entrer comme professeur d'ébénisterie au Collège (le présent Lycée professionnel) que j'avais pu créer...

Enfin, en mars 1947, le Président VINCENT_AURIOL lui-même lui décernait la Légion d'Honneur dans la cour de la Mairie ».

 

Roger Reynis est chevalier de la Légion d'Honneur et décoré de la Croix de guerre avec palmes, de la Médaille des Évadés, de la Médaille militaire, de la Médaille de Combattant volontaire de la Résistance. Il a été homologué comme lieutenant FFI par la Commission régionale le 15 octobre 1945.

 

 

Le Train Fantôme

 

Sur ce fameux « Train Fantôme », un livre récent (J.Altwegg ; R.Laffont 2003) donne quelques précisions .

Les prisonniers du Fort du Hâ restent dans les wagons les 2 et 3 juillet dans l'attente d'un convoi de résistants et de juifs venant de Toulouse. Puis le train part pour Angoulême en petite vitesse à cause des sabotages des voies et des convois allemands montant vers la Normandie. Le 8 juillet, le train retourne à Bordeaux et les détenus restent dans les wagons pendant trois jours. Le 12 juillet, les hommes sont parqués dans la synagogue de Bordeaux où ils vont rester jusqu'au 9 août. A cette date, le train repart vers Marmande, Agen, Montauban, Toulouse, Carcassonne et la vallée du Rhône. Les sabotages de la Résistance et les bombardements alliés obligent un arrêt de plusieurs jours à Remoulins, à 30 km à l'ouest d'Avignon. Le 18 août, les Allemands décident d'abandonner le train et forcent les prisonniers à effectuer une marche de 17 km à pied, de Roquemaure à Sorgues, avec une traversée du Rhône sur un pont suspendu à moitié détruit.

 Un nouveau train, reformé à Sorgues, remonte vers le nord et il est bombardé, le 19 août, par les alliés à Pierrelattte. Plusieurs évasions ont lieu tout au long de ce parcours dantesque. L'auteur signale l'évasion d'un prisonnier près de Montélimar ; il le nomme « Revel » et signale qu'il s'est blessé en sautant du train. Il s'agit sans doute de Roger Reynis.

Le train continue sa route, traverse Lyon le 21, Dijon le 23 et parvient au camp de Dachau le 28 août. Quant aux 53 femmes du convoi, elles sont dirigées vers Ravensbruck où elles arrivent le 31 août.

 

 

 

 TRAIN

avec l'autorisation de www.lesdeportesdutrainfantome.org  et nos remerciements

 

 

LE TRAIN FANTOME " (appelé aussi train de la mort) fait partie des derniers convois. Le plus long dans son déroulement, le plus malchanceux car il devance inexorablement l'étendard de la liberté que représente la montée des alliés en Provence… La persévérance, l'ingéniosité mise en œuvre pour assouvir la logique des nazis, ne peut que nous glacer d'effroi.

Il faudra encore des mois d'horreurs, de combats acharnés, d'espoirs sans cesse renouvelés, pour parvenir, enfin, à juguler cette terrible atteinte à l'humanité toute entière.

 

 

LE TRAIN DE LA MORT

 

À 9 heures 15 le train se met en marche. Le mouvement n'apporte même pas l'air bienfaisant. Ils sont trop dans chaque wagon. En outre, la plupart des lucarnes d'aération ont été obstruées.

Tout de suite la vie devient intenable. L'air est de plus en plus lourd, pratiquement irrespirable. Rester debout est très pénible et le train va lentement, très lentement. De fréquents arrêts viennent accroître le supplice.
   Un peu avant midi, quatre kilomètres avant Reims, le train stoppe à Saint Brice Courcelles. Les hommes sont épuisés, baignés de sueur, étouffés, certains sont tombés morts, au fond du wagon. La température extérieure est de 34 degrés, il n'y a pas un brin d'air. Cet arrêt va se prolonger presque trois longues heures. Les hommes sont à demi-hébétés, presque inconscients, ne sachant plus ce qui leur arrive. L'un d'entre eux dira : « nous n'étions plus des hommes ». L'asphyxie produit le délire et le délire provoque la folie furieuse. C'est inimaginable, les morts s'empilent. Mercredi dernier, Jacques Bronchart nous a fait part de cette lancinante question qui le hante encore aujourd'hui « mais pourquoi suis-je encore vivant ? ». Dans son wagon, il n'a pas eut conscience de cet arrêt prolongé à Saint Brice Courcelles.

    Mais pendant ce temps, à l'extérieur, malgré la surveillance des gardiens hostiles, des personnes du village essayent d'apporter leur aide :

      - Le maraîcher Ledru branche sa lance d'arrosage, débloque le robinet et vise une lucarne.

      - Madame Pinel ramasse un carton qui porte une vingtaine de noms et adresses ce qui permettra au Maire de l'époque, Monsieur Dorigny, de prévenir les familles

      - L'oncle de Madame Lapierre prend l'ardoise des commissions et y inscrit à la craie « entre Saint-Brice et Reims », puis l'ardoise bien haut au-dessus de sa tête, il suit la voie pour répondre ainsi silencieusement à tous ceux qui, dans le train, cherchent à savoir où ils sont.


      - Le garde-barrière du passage à niveau arrive avec l'aide de ses enfants à faire passer quelques bouteilles d'eau à l'intérieur du wagon qui est arrêté à cet endroit.
      - Madame Morizet essaye de parler avec les prisonniers par la lucarne, un garde hurle et lui lance une pierre pour la chasser. Georgette Cher et Geneviève Barthélémy arrivent à approcher et passent par une lucarne une cruche d'eau. À l'intérieur, on leur demande: "où en sont les Américains?"
      - Raymond Viret, maraîcher, avait 20 ans. Il travaille ce jour-là avec sa mère Marthe Viret, sa sœur et son beau-frère Denise et Robert Tisseur. Le train s'est arrêté juste derrière leur maison. Du jardin, à travers la clôture, ils voient tous ces wagons immobiles d'où s'échappait un murmure. Des sentinelles circulaient à côté. Robert Viret s'est approché, intrigué. Par les ouvertures des wagons, il aperçoit des visages inquiets qui réclament à boire. Comme il possédait une pompe à eau proche de la ligne de chemin de fer, il saisit un récipient et se dirige hésitant vers le train. Les sentinelles lui prennent l'eau pour boire, et après l'autorisent à en donner aussi aux hommes dans les wagons. Toute la famille participe. Denise récupère quelques récipients, arrosoir, seau, gamelle, puis se met à pomper sans arrêt. Marthe passe l'eau par-dessus la clôture à Robert et Raymond qui font l'aller-retour jusqu'aux wagons sous la surveillance des sentinelles méfiantes. Les rails leur brûlent les pieds tellement il faisait chaud. En montant debout sur les tampons des wagons, par les lucarnes, ils aperçoivent ces hommes à moitié nus entassés les uns sur les autres qui se précipitent pour avoir un peu de cette eau qu'ils boivent avidement, dans un coin, quelques-uns restent allongés, immobiles, morts ou mourants. Pendant deux heures, ils ont distribué de l'eau. Ils ont pompé tellement longtemps et abondamment que l'eau est devenue laiteuse et que les impuretés émergent du puits.

 
   Peu à peu des gens du village se sont approchés du convoi. Ils s'étaient munis de vivres qu'ils hésitaient à apporter aux déportés. Au moment où l'un d'entre eux voulut approcher, une sentinelle braqua son fusil et lui ordonna de rester où il était. Quelques minutes après le convoi repartait.
   Il était 14 heures, le train s'éloignait vers Dachau emportant son lot de morts et de vivants, laissant à tout jamais dans notre mémoire l'atrocité de ces instants.

 

Lien vers le Récit de monsieur Albert Canac sur le "Convoi de la mort"

 

 
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